Forêt d’Automne

Je me rappelle encore d’un long séjour automnal d’après-guerre en Tyrol. Sous ce ciel bleu, pur, éblouissant de clarté, devant ces forêts immenses, dorées, de mélèzes, dans la solitude la plus profonde, j’ai ressenti ce que je voudrais ressentir un jour ensemble… avec vous : le complet accord de l’âme avec les choses.

Un jour, au comble de l’enthousiasme, je m’en fus jusqu’au cœur de la forêt, pour me donner la volupté de respirer cette solitude, me confondre pleinement avec elle, ressentir ses frémissements silencieux auxquels le monde végétal s’abandonne, dès qu’il plonge plus avant dans la paix religieuse, élaguant la présence des hommes.

Mais c’était trop : trop de beauté m’environnait, pour que j’eusse le temps de tout embrasser et de m’abandonner, comme je l’aurais voulu, à mon émoi.

J’y suis resté, jusqu’à une heure tardive du soir, gonflé d’or du crépuscule et des ombres violettes.

Finalement le soleil disparut et la nuit pendait lourdement sur les arbres. Cet enchantement nocturne me saisit avec force, écoutant jusqu’à l’imperceptible d’un grand mystère : je comprends le langage des arbres, la parole des hommes jamais.

De temps en temps il me semblait entendre des voix voilées, douces, qui se mouraient dans le grand silence, qui retentissaient plaintivement comme le chant retardé d’un rossignol égaré.

S’il est un lieu où de toutes parts la nature enserre l’être, le reprenne à elle, c’est la forêt.

« Reviens ! Que fais-tu dans les cités arides où l’homme au cœur retiré et rétréci devient à lui seul ses raisons, sa montagne. Reviens : Pense à être une alvéole dans la forêt de miel… ! ».

Car au commencement, il y avait la forêt, mer immense, insondable, illimitée avec ses crêtes vertes, seules à contempler le ciel et les saisons…

Ô ! J’aurais voulu avoir une compagne compréhensive, qui, avec moi, se serait confondue avec la nature immense m’inspirant le sentiment le plus noble et violent qui existe ! Il n’est de transports triomphants que dans la passion de l’amour.

Lou

Texte extrait de la lettre du 14 septembre 1967

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