Hôpital de Cahors le 20 nov. 1966

Ma chère petite Suzanne

Combien je suis honteux de moi-même pour ne vous avoir pas remercié depuis déjà longtemps de vos deux gentilles lettres et ne vous avoir pas plus tôt témoigné tout le plaisir qu’elles m’ont fait, surtout dans les circonstances que je traverse où l’amitié dont on est l’objet s’avère encore plus précieuse.

Mais croyez bien que ce n’est pas par défaut de volonté ou par négligence que mon silence s’est ainsi prolongé. Mais avant de vous écrire, je voulais être assuré que mon état s’améliorait afin de pouvoir vous annoncer les meilleures nouvelles possibles.

Or les semaines s’écoulaient d’une manière assez confuse et je me sentais toujours très fatigué avec des poussées et des reculs de fièvre, oscillant entre 37 et plus de 40°. Alors je n’avais pas le courage de vous faire part de ce qui se présentait pour moi comme une période de perpétuelle attente, de déconvenue et d’espoir.

Enfin je crois que j’ai dépassé le cap comme on dit (mettons pour faire un jeu de mots : « le Cap de Bonne Espérance » après avoir affronté « le Cap des Tempêtes ») et les médecins semblent maintenant satisfaits.

C’est pourquoi je vous écris enfin en vous exprimant toute ma gratitude pour tout ce que vous m’avez écrit de si affectueux.

Je vois que vous avez de plus en plus de travail et qui confine au surmenage et je comprends que la nostalgie de vos belles vacances en soit avinée. Mais le ‘Souvenir’ n’est-il pas une possibilité merveilleuse de faire revivre à volonté ce qui a rempli et comblé l’esprit et le cœur !

Je vais bientôt sortir un peu dans Cahors et je tacherai de vous trouver quelques cartes du pays à joindre à votre collection ; mais elles auront bien l’air de parentes pauvres comparativement à celles que vous m’avez envoyées cette année et l’an dernier et qui représentent ces paysages féériques que vous aimez tant et à juste titre.

Comme vous devez le penser, la vie que je mène en ce moment n’est pas très gaie… mais ne parlons pas de choses tristes ; aussi je termine vite ma lettre car on m’attend pour la porter au courrier et je vous embrasse de tout cœur, chère Suzanne, en vous remerciant encore de la sollicitude de vos pensées.

Henry

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