Paris le 12 juillet 1965
Ma chère petite Suzanne
Que devez-vous penser de moi et de mon long silence dont je vous demande pardon.
Mais je viens de traverser une bien pénible épreuve dont je n’arrive pas à me remettre et dont je garde le cœur broyé !
Vous en jugerez vous-même :
Mes dernières lettres étaient plutôt mélancoliques en raison de mon mauvais état de santé et de la sensation du déclin de ma vie. Mais ce n’était rien à côté de ce que je viens de subir ces jours-ci. Je viens en effet de perdre mon pauvre chat Kiki que j’aimais tant, qui était mon compagnon fidèle depuis 15 ans et qui, malade depuis plusieurs semaines, a fini par mourir après une agonie de 7 heures dans mes bras. J’en demeure bouleversé !
En raison de son état, j’avais retardé mon départ pour Concorès à 3 reprises successives après avoir pris chaque jour mon billet et loué ma place.
Je ne pensais pas à l’issue fatale qui est survenue, puisque, depuis la fin de juin, j’avais fait suivre mon courrier à Concorès, de sorte que ma correspondance ne m’atteint plus ici mais m’attend à Concorès.
Je vais partir maintenant dans le milieu de cette semaine et essayer de me remettre un peu à la campagne de tant de toutes ces émotions.
De là-bas, je vous écrirai plus longuement et vous dirai les péripéties douloureuses qui marquèrent pour moi ces dernières semaines. Mais maintenant je ne puis écrire davantage. Je me sens à bout de force. Vous comprendrez en lisant ma prochaine lettre, écrite de Concorès, ce que j’ai pu souffrir.
Je vous embrasse, chère Suzanne, bien tendrement et bien tristement.
Henry