Paris le 17 septembre 1961

Ma chère Suzanne

Il faut avouer que cette année 1961 aura été pour moi une année néfaste.

J’ai en effet encore subi une rechute de ma maladie de cœur quand j’étais à Concorès. Je ne sais si ce sont les fortes chaleurs de la seconde quinzaine d’aout qui suscitèrent cette nouvelle crise. Toujours est-il que j’ai été pris d’angoisses et d’étouffements. Le bon Docteur Redoulès s’est occupé de moi de son mieux, mais il me tardait d’être suffisamment rétabli pour regagner Paris et me faire traiter d’une façon plus scientifique.

Une chose qui a pu contribuer à provoquer en moi cet ébranlement, c’est que j’ai appris le jour de mon passage à Cahors, d’où je vous avais envoyé une carte, qu’un de mes bons amis, condisciple du Lycée de Cahors et qui étant médecin à Paris s’était occupé de me donner les premiers soins lors de ma crise cardiaque, cet ami donc j’ai appris qu’il venait de mourir brusquement dans la première quinzaine d’aout et précisément d’un arrêt du cœur. Cette nouvelle m’a provoqué un coup vraiment pénible qui a peut-être retenti fâcheusement sur mon état physique.

Enfin ne vous tourmentez pas. Je suis maintenant à peu près remis d’aplomb, mais c’est bien affligeant de vivre ainsi avec une épée de Damoclès suspendue sur sa tête.

J’espère, chère Suzanne, que votre solitude a pris fin et que vous avez retrouvé depuis longtemps votre chère maman.

Comme il y a eu tellement de trous dans notre correspondance, bien des questions que je voulais vous poser sont restées en suspens. Je reviens donc en arrière.

Et tout d’abord, dites-moi je vous prie quel genre de Secrétariat vous est confié ? Est-ce chez un particulier ou dans une société commerciale ou industrielle ? Êtes-vous satisfaite et vos rapports avec les personnes avec lesquelles vous collaborez sont-ils agréables ?

Est-ce que vous avez pu enfin toucher le mandat pour lequel on vous faisait des difficultés ? Sinon je ferai des réclamations au bureau où je l’ai émis, ayant conservé le talon.

Autrefois vous m’aviez écrit que votre frère voulait aller faire carrière au Sahara. A-t-il donné suite à ce projet ?

Est-ce que ce Secrétariat vous empêchera de vous échapper pour venir passer, comme d’habitude, quelques jours à Paris ? Répondez-moi sur ce point.

Je joins à ma lettre cette carte que je trouve ravissante et qui évoque un peu un de ces châteaux romantiques faisant partie du décor Wagnérien. Je suis sûr que ce paysage de rêve vous plaira.

Ma cousine va bien ces temps-ci. Elle vient d’avoir 80 ans. C’est probablement elle qui m’enterrera.

Je vous quitte, chère Suzanne, et dans l’attente de vous lire, je vous embrasse de tout mon cœur.

Henry

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