Paris le 28 octobre 1963

Ma chère petite Suzanne

Je reçois à l’instant votre lettre à laquelle je réponds sur le champ. Bien sûr ce que vous m’écrivez m’apporte une déconvenue, mais je sais bien que dans la vie les projets ne se réalisent que rarement et nous vivons, pour reprendre le vers de Baudelaire, « dans un monde où l’action n’est pas la sœur du rêve« .

J’ai lu attentivement ce que vous m’exposez et vous me demandez ce que je pense. Mon Dieu, je crois qu’il n’y a pas plusieurs manières de voir les choses et qu’un voyage de 1200 km pour un séjour de 3 jours à partager entre votre frère et moi me parait chose déraisonnable. De plus, nous allons entrer dans les froids de l’automne et vous qui êtes habituée à une température généralement fort clémente, je ne vous vois pas exposée ainsi aux frimas parisiens.

Comme vous le laissez prévoir, vous êtes plutôt disposée à remettre votre voyage à plus tard et j’en tombe d’accord avec vous.

Mieux vaut donc attendre les beaux jours pour profiter de ceux-ci et pour obtenir une durée d’absence qui vaille la peine d’un si long voyage.

Je pourrai peut-être alors réaliser un projet auquel j’ai songé souvent, celui de vous emmener faire une escapade dans un endroit un peu éloigné de Paris (Rouen, Chartres ou le Mont St Michel). Ne pensez-vous pas cette idée attirante ?

Si je puis le faire, je tâcherai de venir jusqu’à Nice dans le courant de l’hiver pour vous revoir, ce qui est pour moi une tentation que je caresse depuis longtemps.

De toute façon écrivez-moi assez à temps, si vous décidez de venir maintenant et en attendant, je vous embrasse, chère Suzanne, de tout cœur.

Henry

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