Souillac le 21 juillet 1947

Ma chère petite Suzanne
Je vous écris ce mot en hâte pour que vous sachiez que je suis de nouveau dans le Lot où j’ai dû revenir depuis quelques temps auprès de mon pauvre beau-père pour l’assister dans ses derniers moments, puisque j’ai eu la tristesse de l’enterrer il y a 3 jours. Ce sont de bien durs moments à passer. C’est le dernier des miens qui disparait.
Je suis horriblement fatigué et j’ai bien besoin de me refaire à la campagne et de me plonger dans un repos absolu physique et moral. Vous pouvez donc m’écrire à Concorès où je vais m’installer.
Lors de mon dernier et court séjour à Paris, j’en ai profité pour vous adresser 3 livres, dont « La voix humaine » qui est une pièce si émotionnante. J’espère que cet envoi vous est bien parvenu.
Je répondrai plus longuement à votre dernière lettre quand mon esprit sera un peu moins fatigué. J’ai d’ailleurs en ce moment beaucoup de choses à régler et à mettre au point, comme il arrive après un décès.
En tout cas je tiens à vous dire dès maintenant combien votre lettre est équilibrée et raisonnable et je veux vous assurer que pour tout vous pouvez compter sur moi d’une manière totale. Ne vous tourmentez donc pas. A nous deux, nous arriverons bien à faire face à la vie. Je ferai tout le nécessaire pour que dans le courant de septembre vous puissiez venir vous installer chez moi rue de Chabrol. Et si même vos tentatives ne réussissaient pas pour le moment, ne vous inquiétez pas, vous serez à l’abri sous ma sauvegarde.
Je vous protégerai. Je sais, ma pauvre petite, quels sont vos tourments et votre anxiété. Mais soyez assurée que vous pourrez vous réfugier calmement auprès de moi. Je me réjouis à l’avance de votre présence. Je suis sûr que j’en aurai du bonheur et je tâcherai qu’il en soit de même pour vous.
J’espère que votre maman est maintenant guérie de sa grippe.
Je vous quitte en vous embrassant bien fort.
Avec toute ma tendresse
Henry
Je vous remercie de tout cœur de vos bons vœux de fête qui m’ont fait grand plaisir.