Concorès le 11 aout 1949

Ma chère petite Suzanne
C’est de Concorès que je vous adresse tous mes vœux de bonne et heureuse fête. Concorès où vous n’êtes pas et où je suis sans vous, ce qui rend mon séjour plutôt triste.
Je suis venu, en effet, ici pour installer des gens de Paris (5 personnes, 2 chiens et 1 chat) auxquels j’ai loué pour la durée des vacances et qui de ce fait occupent toute l’habitation, sauf bien entendu ma chambre.
Vous comprendrez certainement pourquoi j’ai dû me résigner à cette location, car vous devez bien deviner que depuis pas mal de temps je dois affronter de très dures difficultés matérielles, que je ne vous détaille pas. Vous ne le savez que trop cela puisque vous en avez subi le contre-coup, puisque depuis plusieurs mois je n’ai pu, hélas, rien faire pour vous. Vous me connaissez assez, je suppose, pour penser que si j’avais eu la possibilité de vous envoyer quelque chose, je n’y aurai pas manqué. C’était pour moi un véritable crève-cœur, s’ajoutant à mes soucis personnels, d’imaginer pour vous une situation semblable, à laquelle je me trouvais contraint de ne pouvoir apporter le moindre secours.
Cette période que je viens de traverser s’est d’ailleurs traduite pour moi par un sérieux fléchissement puisque j’ai maigri de 5 kilogs au cours de ces derniers mois. Je me trouve très fatigué. Je vais essayer ici de tenter un rétablissement bien nécessaire avant de revenir à Paris pour être en état de tenir le coup.
Je dois, en effet, prendre le 1er septembre une situation régulière ; c’est ce que je recherchais depuis si longtemps. J’aurai ainsi un fixe mensuel et un pourcentage sur les affaires traitées par moi. Je serai dans un organisme constitué depuis longtemps.
Ce qui me fait le plus de plaisir dans cette perspective, c’est que j’aurai ainsi la possibilité de vous épauler tout le temps qui sera nécessaire.
Vous pourrez donc venir en octobre sans appréhension cette fois.
Je vous reparlerai de toutes ces choses plus longuement dans ma prochaine lettre et je répondrai plus en détails à la vôtre, que j’ai emportée ici avec moi. Mais je tiens sans plus tarder à vous écrire maintenant pour que vous sachiez que je n’ai pas oublié votre fête et que mes vœux n’en soient pas absents.
Je vous embrasse, ma chère petite Suzanne, bien affectueusement.
Henry