Paris le 13 octobre 1950

Ma bien chère Suzanne

Ne me croyez pas si méchant et capable de vous retirer mon amitié. Vous pensez bien que ce serait pour moi une chose impossible et impensable.

Mais comment n’admettriez-vous pas que la situation nouvelle m’ait provoqué un choc si violent que j’en suis resté désemparé.

Vous m’écrivez le 12 sept., avec une petite désinvolture qui est bien dans le génie féminin et dont [on] ne sait si on doit en sourire ou s’en irriter : « Quant à moi, je ne vois pas ce qu’il y a de changé entre nous« .

Vraiment vous êtes désarmante ! Depuis 42 il était convenu qu’on devait se marier ensemble dans des conditions fixées par vous et que j’acceptais ; cela a toujours été confirmé depuis de vive voix ou par vos lettres et maintenant… vous devez devenir dans 2 ans « Madame Laffitte ». A part ce petit détail sans importance, il n’y a absolument rien de changé entre nous !

Entre parenthèses, connaissant vos convictions religieuses que je croyais très sincères et très ancrées, je suis assez surpris de vous voir faire un mariage qui ne pourra être que laïque (à moins de tuer d’ici là l’actuelle Madame Laffitte). J’ai peine à croire que ce soient les prélats que vous fréquentez à Nice qui vous aient poussé dans cette voie.

Enfin bref, ma petite Suzanne, ne voulant pas passer à vos yeux pour un « moraliste » (ce qui n’est pas du tout mon genre), j’abandonne ce sujet pour vous dire que je vous téléphonerai demain samedi.

Je suis rentré de Concorès dans les premiers jours d’octobre, mais depuis j’ai été tellement harcelé en raison du Salon de l’Automobile que je n’ai pu encore prendre contact avec vous.

En attendant de vous revoir – et vous savez bien quelle joie cela me procure toujours – je vous embrasse ma petite Suzanne, bien affectueusement.

Henry

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