Paris le 5 décembre 1950
Ma bien chère Suzanne
Vous méritez d’être fortement grondée pour m’avoir gâté pareillement.
Mais vous m’avez pris pour un enfant – et très gourmand encore – en m’envoyant d’aussi délicieuses friandises qui enfoncent « le hérisson ». Je suis confus et touché de cette si charmante attention qui m’a fait tant de plaisir et démontre une fois de plus votre bon cœur. Je vous en remercie bien profondément.
J’ai bien pensé à vous tous ces temps-ci, me disant que vous deviez être si heureuse avec votre maman retrouvée. Vous voyez qu’enfin la vie s’oriente pour vous d’une manière favorable.
Je suis assez embarrassé cette année pour vous exprimer des vœux, je veux dire pour les préciser, étant donné que les circonstances nouvelles entre nous ne me permettent plus de formuler des souhaits qui nous soient communs. Alors le mieux que je puisse faire, je crois, c’est de souhaiter pour vous que se réalisent vos désirs.
Vous êtes partie de Paris au bon moment, car la température depuis votre absence est ici assez froide et le temps maussade. Je pense qu’à Nice vous avez retrouvé le beau soleil de la Côte d’Azur qui vous manque tant ici. J’espère que vous avez retrouvé votre maman en bonne santé ; votre présence est bien faite d’ailleurs pour la remettre complètement d’aplomb.
Je n’oublie pas que je dois lui répondre. Si j’ai tant attendu c’est parce que je veux lui écrire à cœur ouvert pour lui dire, à elle, tout ce que je ressens des changements survenus et qui m’atteignent directement et parce que je ne vois pas encore assez clair en moi en vue des décisions que je vais être obligé de prendre pour l’orientation de ma vie dans sa dernière étape.
Reposez-vous bien, chère Suzanne, et avec tous mes vœux d’heureuse année pour vous et votre maman, recevez encore tous mes vifs remerciements.
Je vous embrasse bien affectueusement.
Henry
P.S. J’ai passé le réveillon de Noël en tête à tête avec moi-même. C’est peut-être la meilleure façon pour méditer, dans ces heures de réjouissance, sur le bonheur humain.