Archives de la catégorie ‘1945-1949’

Paris le 18 mars 1947

Ma petite Suzanne chérie

Est-ce que vous connaissez ce tableau de Millet qui est intitulé, je crois, l’arc-en-ciel ? Il représente un jardin sur lequel la rafale et l’orage viennent de passer. Les plantes, les fleurs sont encore étourdies et ployées sur leurs tiges par la tourmente, elles ruissellent encore de pluie. Mais le vent s’est apaisé, à l’horizon le ciel s’éclaire et s’illumine, un arc-en-ciel se dessine dans la brume et ses couleurs multicolores imprègnent tout le paysage de reflets chatoyants. Et sous cette influence quasi surnaturelle, la montée de la sève interrompue reprend, les fleurs courbées se relèvent, les branches se redressent, se tendent à nouveau vers l’espace. L’éternel printemps triomphe et reste vainqueur des forces brutales, la vie rebondit mordorée et s’épanouit heureuse.

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Paris le 8 mars 1947

Ma petite Suzanne chérie

En recevant et en lisant votre lettre, j’ai cru renaitre et revivre, me sentant sortir de l’abime d’angoisse où j’étais plongé. Je croyais rêver tant je m’attendais si peu à ce que vous m’écriviez et le choc a été d’autant plus inouï que, depuis votre autre lettre, le désespoir m’habitait. Le jour inattendu, éclatant et pur, se levait dans les ténèbres et je ne pouvais y croire.

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Paris le 28 février 1947

Chère Suzanne

J’ai compris !

J’ai compris qu’à ma lettre toute chaude et remplie d’espérance pour vous et moi, vous ne ressentiez nulle satisfaction, nulle émotion joyeuse. Et même le fait que vous soyez souffrante – et je souhaite que vous guérissiez vite – ne peut pas expliquer ce changement de climat moral. Aussi votre réponse m’est-elle un coup de massue et, disons-le, un arrêt de mort. Quel crève-cœur, alors que je me faisais une fête et une joie de vous revoir, mais de vous revoir avec les mêmes dispositions d’antan.

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Télégramme du 9 janvier 1947

Télégramme du 4 janvier 1947

Paris le 25 novembre 1946

Ma chère petite Suzanne

Je suis absolument confus d’avoir pu vous causer de l’inquiétude à mon sujet en me croyant malade, parce qu’il y a longtemps en effet que je n’avais pas répondu à vos lettres. J’ai été très fortement grippé, mais enfin ce n’était pas la raison qui laissait en suspens ma correspondance.

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Paris le 18 octobre 1946

Chère Suzanne,

Je reçois votre lettre qui me frappe d’un coup au cœur. J’ai en effet l’impression qu’il s’agit d’un « lâchage » ou tout au moins de la préparation à un lâchage.

En effet, vous commencez par m’entretenir d’une « rencontre » avec quelqu’un dont vous avez fait la conquête ! (Cela ne m’étonne d’ailleurs pas, mais si vous me soulignez la chose, c’est sans doute que vous avez un but particulier).

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Paris le 20 septembre 1946

Ma chère petite Suzanne

En arrivant ici, j’ai eu le bonheur de trouver vos deux gentilles lettres, écrites à un mois d’intervalle et qui m’ont fait un égal plaisir, bien que l’inspiration en fut tout à fait différente.

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Concorès le 30 aout 1946

Ma chère petite Suzanne

Enfin je respire ! Votre lettre (celle du 22 aout) est venue m’apporter de l’air pur dans l’atmosphère étouffante et déprimante où je me débattais depuis tant de journées qui me parurent si longues, à la suite des réflexions si bouleversantes que vous me fîtes. La fin de mes vacances sera ainsi meilleure que toute cette triste période où vous m’avez labouré comme un soc de charrue, chère cruelle amie.

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Concorès le 29 aout 1946

Ma bien chère Suzanne

Me voici à Concorès depuis une douzaine de jours. Mais ces vacances, comme je le prévoyais, s’annoncent plutôt tristes. Je me suis plongé dans une atmosphère de mélancolie provoquée par votre dernière lettre qui fut si pénible pour moi et qui ne quitte pas mon esprit, et qu’accentue encore le silence dans lequel vous me laissez (je vous assure que le temps parait long sans nouvelles de vous et alors que chaque jour d’attente vaine apporte une déception nouvelle. J’arrive à en perdre le gout de l’existence). Est-il possible que vous ayez ainsi changé si soudainement à mon égard et que tout ce que vous m’avez écrit depuis mon passage à Nice semble ainsi demeurer dans votre pensée comme évaporé et sans lendemain. Je me sens comme abandonné par vous.

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