Paris le 6 aout 1960

Ma chère petite Suzanne
Je suis vraiment terriblement ennuyé et ne recevant rien de moi, vous devez vous demander ce qui se passe.
Ce qui se passe, le voici.

Ma chère petite Suzanne
Je suis vraiment terriblement ennuyé et ne recevant rien de moi, vous devez vous demander ce qui se passe.
Ce qui se passe, le voici.

Ma chère petite Suzanne
Vos réflexions au sujet de ma cousine sont évidemment pleines de bons sens. A vrai dire, il aurait mieux valu qu’elle resta à Gourdon. Mais à ce moment-là, je ne la croyais pas aussi atteinte et je ne pensais pas que tout serait toujours à recommencer.
Ma chère petite Suzanne
Vous continuez toujours à me combler ! Dernièrement encore, à l’occasion de ma fête. Vous m’avez envoyé un magnifique volume qui m’a fait un très grand plaisir, mais qui m’a également contristé sachant que dans les circonstances actuelles, il ne faut pas que vous vous livriez à de telles largesses, comme je vous l’ai déjà plusieurs fois souligné. En tout cas, je vous remercie de tout cœur de me gâter pareillement.

Ma chère petite Suzanne
Bien sûr que je n’attendrai pas pour répondre à votre lettre de mai dernier la date de votre fête, ce qui me repousserait jusqu’au 11 aout.
Ce que je tiens d’abord à vous exprimer, c’est tout le désenchantement que j’éprouve à ne pas être à côté de vous ces temps-ci. Il faut bien dire que la chance ne nous poursuit pas, ayant chacun nos ennuis.

Ma chère petite Suzanne
Depuis le début de ce mois, je viens de passer des journées d’enragé. Ma cousine vient, en effet, de subir encore une série de nouveaux troubles mentaux qui la poussent à quitter son « chez elle » et à partir dans l’inconnu. J’ai donc dû monter la garde auprès d’elle, à son domicile, non pas toute la journée, en raison de mes occupations à l’Automobile, mais plusieurs fois par jour pour essayer de la raisonner et l’empêcher de faire des bêtises. Croyez bien que je traine avec elle un fameux poids lourd et même un véritable boulet.

Ma chère petite Suzanne
Encore une nouvelle plongée de moi dans le silence ! Vous allez bien vous dire qu’il s’agit là d’une maladie chronique et incurable ! Et vous auriez raison. Quand j’ai trop tardé à répondre, je ne reprends plus pied, comme je l’ai souvent expliqué, je ne sais plus comment me rattraper et ainsi le silence s’accroit encore. Mais quand une occasion propice se présente – et comment pourrait-il en être une meilleure et plus symbolique que celle de Pâques, c’est à dire la Fête de la Résurrection – je la saisis avec empressement et avec grande joie.