Paris le 14 avril 1940

Vous êtes véritablement adorable, Mademoiselle. Et ce mot par lequel je voudrais résumer l’impression produite en moi par votre lettre ne me satisfait pas toutefois, car il peut être aussi bien adressé à d’autres qui le méritent par leur grâce, leur gentillesse et leur qualité d’âme.
Mais vous, vous êtes bien plus encore que tout cela à mes yeux. Alors, comment vous définir ? Je dirais que pour moi vous êtes l’unique, qui efface et éclipse tout, car ce que je sentais déjà en vous écrivant une première lettre s’est confirmé depuis et élargi d’une manière presque imprévisible qui m’a un peu tourné la tête.
Vous êtes devenue pour moi le pôle d’attraction de tous mes rêves courants et d’autres, plus profonds, qui sommeillaient en moi et qui n’espéraient pas prendre essor, mais qui ont été réveillés d’une façon presque magique, comme le fut jadis la Belle au Bois Dormant. Quelle magnifique inspiratrice vous êtes. Je m’imagine vivre un conte de fée.
Veuillez excuser, je vous prie, la brièveté de cette lettre que je vous demande de considérer non pas comme une réponse à la vôtre, laquelle mérite un bien plus long entretien, mais seulement comme un petit mot destiné à faire prendre patience.
C’est en effet en rentrant de voyage à la fin de cette semaine que j’ai trouvé votre lettre ravissante (ce qui vous expliquera mon silence), mais j’ai dû aussitôt me coucher avec une forte grippe et de la fièvre, ce qui met dans un état d’infériorité bien grand pour converser avec la petite déesse que vous êtes.
Dès que j’irai mieux, je vous écrirai une longue lettre et, en attendant, je vous entoure de toutes mes pensées les plus profondes.
Henry G.