Paris le 1er mai 1952
Ma chère petite Suzanne
Je brandis le drapeau blanc, le drapeau de l’armistice, en l’espèce cette petite branche de muguet porte-bonheur qui vous dira que malgré mon long silence, je ne vous oublie pas.
Je puis même vous donner une preuve plus concrète que ma pensée ne s’était pas, malgré les apparences, détachée de vous, en vous adressant ce mandat que j’avais pris pour vous voilà des mois, le 2 février dernier (comme l’indique le cachet de la poste), en vue de vos étrennes, pensant que vous pourriez ainsi transformer cette petite somme en ce qui vous plairait le mieux.
Que je ne vous ai pas adressé à l’époque ce mandat une fois pris, et qu’il soit demeuré depuis lors dans un compartiment de mon portefeuille, voilà qui doit vous paraitre incompréhensible et vous plonger dans la plus grande stupeur. Il y a de quoi en effet. Mais ceci procède, quand j’y réfléchis bien moi-même, de l’état d’esprit qui m’a fait suspendre notre correspondance et que je vous expliquerai dans une autre lettre prochaine (d’ici 2 ou 3 jours), car je ne veux pas retarder davantage cet envoi et trop m’écarter de la période du 1er mai, laquelle m’a fourni un moyen (mettons… élégant, et je ne l’ai pourtant guère été avec vous, mais c’est plutôt de votre faute… je vous expliquerai) de reprendre contact, de briser la glace, c’est bien le cas de le dire, puisqu’il vient de s’écouler entre nous une véritable « période glacière ».
Avec tous mes sentiments affectueux, chère Suzanne.
Henry
Veuillez je vous prie ne pas m’oublier auprès de votre chère maman, que j’espère toujours en bonne santé.