Paris le 31 décembre 1955

Ma bien chère Suzanne

Je suis, en effet, très en retard avec vous et je m’en excuse vivement. Mais ne l’avez-vous pas été vous-même dernièrement ? Ainsi nous sommes quittes, sans d’ailleurs qu’il y ait eu du tout de ma part une volonté de rendre la pareille.

J’ai même été confus d’avoir été devancé par vous-même dans l’envoi des vœux de nouvel an, dont je remercie les vôtres de tout cœur. Les miens étaient déjà partis, en pensée seulement, avant que les vôtres aient quitté Nice. J’adresse également mes vœux bien affectueux à votre chère maman, qui a au moins le bonheur de garder sa fille auprès d’elle.

Je ne tiens guère à parler de moi, car je ne suis pas encore dans un état bien satisfaisant. Je passe toujours de longues nuits sans dormir et ressens dans les os, aux endroits des fractures, de vives douleurs. Espérons que 1956 m’apportera, selon vos souhaits, une meilleure santé. Moi qui n’ai jamais été vraiment malade, cela me parait dur de faire front aux défaillances de cette pauvre carcasse humaine.

J’ai contemplé avec plaisir la vue de cette auberge envoyée par vous. Si elle est vide de personnages, on sent que la cheminée toute flamboyante et la table toute garnie les attendent. Comme vous le dites, cela rappelle le Grand Veneur. Heureux temps que celui où j’avais le plaisir de diner parfois avec vous et de voir que vous saviez faire honneur aux menus.

J’ai été content de recevoir, dans votre lettre précédente, votre photo. C’est la première fois que je vous voyais habillée en homme. Votre minceur vous permet, en effet, de vous glisser aisément dans un pantalon.

Vous tenez un secrétariat, m’avez-vous écrit. Dans quel genre d’activité exercez-vous cet emploi ?

Je voulais vous envoyer à l’occasion du 1er de l’An un  petit souvenir, mais comme je ne sais trop ce qui pourrait vous être agréable, je préfère que vous en décidiez vous-même et ce mandat joint vous permettra de faire, à ma place, le petit achat qui vous fera plaisir.

Encore avec tous mes meilleurs vœux pour vous et votre chère maman et bien affectueusement à vous, chère Suzanne.

Henry

Les commentaires sont fermés.