Concorès le 9 aout 1965

Ma chère petite Suzanne

Votre lettre m’a fait plaisir, comme toutes vos lettres d’ailleurs ; mais celle-ci étant datée d’Annecy m’apporte la joie supplémentaire de vous savoir en vacances dans un site qui vous a paru merveilleux et au bord d’un lac de réputation mondiale, le tout étant bien fait pour vous apporter le repos réparateur, physiquement et mentalement, auquel vous avez bien droit après une année de si dur labeur.

Je pense que dans cet endroit privilégié vous pourrez entreprendre de multiples excursions, sans compter le pieux pélerinage que vous comptez faire sur la tombe de Daniel Rops.

De mon côté, je me dispose à rendre hommage à sa mémoire en relisant son beau roman « Mort où est ta victoire » que vous m’aviez jadis offert à l’occasion de ma fête.

Statue de sainte Suzanne à Sainte-Suzanne (Mayenne)

Mais puisque je parle de fête, je n’oublie pas que nous approchons du 11 aout, fête de Ste Suzanne « vierge et martyre mise à mort en 295 » (comme l’indique le dictionnaire où je suis allé me renseigner sur votre homonyme) et je vous adresse avec joie tous mes vœux les plus affectueux… et ne pouvant, avec a distance qui nous sépare, vous embrasser trois fois, je vous transmets ces trois petites effigies que je vous prie d’accepter comme gage de ma très grande affection.

Ici, le temps s’écoule pour moi paisiblement, mais sans grande distraction pour moi à part la lecture. Il me semble que je remonte insensiblement la pente et que je me sens moins fatigué.

Cela m’a fait grand plaisir d’apprendre que vous étiez passée dans la catégorie cadre. Je ne suis pas étonné de cette promotion. Mais ce qui me surprend, et me scandalise même, c’est qu’avec l’effort que vous fournissez par vos journées de labeur qui durent 9h½ « sans bénéfice » pour vous. Ce n’est pas honnête de la part de ceux chez qui vous travaillez ; c’est vraiment de l’exploitation. Vous n’avez vraiment pas de chance avec ceux auxquels vous prêtez votre collaboration, car je me souviens qu’autrefois vous aviez été dupée par quelqu’un dont vous avez été la secrétaire et qui restait voius devoir une somme assez importante.

Dans une lettre précédente, vous m’écriviez que vous songiez à prendre une assurance. C’est une excellente précaution en prévision de l’avenir.

Est-ce que vous avez emmené Bijou avec vous ? Oui sans doute, mais comment faites-vous pour le loger à l’hôtel ?

Oui, ici je vois toujours mes cousins Rédoules.

Vous avez eu la tristesse de perdre le médecin qui vous avait si bien soignée quand vous avez eu une pleurésie. Est-ce le même qui vous appelait, quand vous étiez toute jeiune, « ma petite neurasthénique » ?

Ici on jouit  d’un assez beau temps. J’espère qu’il en est de même sur vos hauteurs savoyardes.

Je vous quitte, chère Suzanne, en vous souhaitant, ainsi qu’à votre maman et à votre frère qui est venu vous rejoindre, les vacances les plus heureuses et les plus reposantes qu’il soit possible et je vous embrasse très affectueusement.

Henry

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