Le 30 aout 1967

Suzanne,

(Pardonnez mon audace. Je ne puis vous appeler autrement).

Dorénavant, me sera-t-il possible de me représenter le lac de Gérardmer sans songer à vous, Suzanne ? Je verrai toujours surgir au bord de l’eau votre silhouette sculpturale, caressée d’air bleu et tremblante sous le souffle du zéphyr dans la lumière d’or du soleil couchant.

Ô, vous êtes si belle ! Et vous êtes si bonne… Avoir devant moi tant de splendeur ! Je ne me lasse pas de vous regarder. Que se passe-t-il en moi ? Je ne le sais pas. Je ne sais qu’une seule chose : j’aime ce que vous me dites et je vous admire. Mais je sens aussi que les notions qui n’ont pas de nom encore sont peut-être les plus futures et les plus certaines. Si cela est, je prie Dieu de me permettre de bien vous aimer et que vous, Suzanne, m’aimiez un jour… Je le supplie de fortifier en moi la volonté, la joie de lutter pour ce bonheur ; car dans toute ma nature, il n’y a pas un seul point qui n’y soit destiné.

Suzanne…

Sentez-vous cet appel de mon cœur, ce besoin irrésistible de suivre le chemin magnifique que Dieu m’a montré ?

Le sentez-vous ?

Et qu’en définitive on n’aurait pas besoin de me disposer un bucher, et que je mettrais moi-même le feu de ma joie à mon cœur accompli, pour qu’il se consume sans reste et qu’il s’élève vers Dieu en une seule et grande flamme ?

Telles sont mes pensées ce soir. Je tremble en vous écrivant. J’ai lu et relu vos paroles. C’est votre âme qui me parle. Je ne puis l’entendre qu’en fermant les yeux, elle me fait pleurer de joie. Comment savez-vous être divinement douce pour entrainer vers ce qui n’est pas… Croyez, Suzanne, je ne suis pas faible. Mais vous êtes trop forte pour moi…

Il est déjà tard, je pense à vous avec tendresse. Mais vous dormez déjà, peut-être. Bonne nuit, Suzy !

Louis

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