Sur le soir (en pensant à Suzanne)
Je songe à vous. La lune est là. La lune écoute.
Dans ce soir attiédi des soupirs et des voix ;
Les cloches des troupeaux grelottent sur la route.
Êtes-vous triste encore ? Vous pleuriez autrefois.
L’hymne des tout petits emplit toute la lande.
Je vois votre profil sur le ciel clair et bas.
Ce silence est très grand… mais mon âme est plus grande,
Ce chant silencieux ne la remplirait pas.
Votre profil léger pèse pourtant sur l’ombre
Qui rampe lentement le long des coteaux bleus.
Autour de votre front pur le ciel est si sombre…
Et deux étoiles d’or me semblent vos beaux yeux.
Un frisson me saisit : vous êtes tellement belle
Et c’est pourquoi mon rêve est beau ce soir et doux.
Sur le peuplier droit dort une tourterelle.
Endormez-vous tristesse ; tristesse endormez-vous
10 Sept. 1967
Le 11 sept 1967 9h
Suzanne,
Avant de fermer cette enveloppe, j’ai voulu vous joindre quelques mots pour vous remercier de votre dernière lettre (du 7 sept.), reçue ce matin.
Ô vous, mon âme ! Vous me rendez ivre de joie. Chaque lettre nouvelle me découvre des trésors insoupçonnés, des valeurs rares, introuvables.
Je vous comprends plus par mon cœur que par l’esprit, et avec chaque jour qui passe, je me rapproche davantage de vous. Je me sens tellement vôtre ! Le mot n’est pas trop fort, si vous sentez mon nostalgique désir !
Laissez-moi vous regarder silencieusement… votre main dans la mienne…
Lou